mardi 3 septembre 2013

La carotte d'Einstein

Comme le notait si bien Louloutte, passée l'extase de la découverte, de l'envie d'être grand et l'illusion que l'école, c'est kro-bien, il faut la trouver, la carotte, pour convaincre l'enfant, cet être si sensible (si capricieux, oui!), que l'école, décidément, c'est kro-bien.

Il y a deux jours, je demande innocemment à Loulou s'il est content de retourner à l'école.

"- Non."

C'est marrant, je m'attendais à cette réponse.

Je ne peux pas lui en vouloir. Moi-même, je finissais dans les bras de la directrice à chialer comme une madeleine tellement je voulais pas y aller, réclamant à cors et à cris mon pôôôpa. En même temps, quand c'était ma môman, je la ramenais pas autant, ça allait beaucoup plus vite. Sinon, je savais la volée de bois vert qui m'attendait.

Je ne peux pas lui en vouloir, disais-je, mais enfin, j'étais à la maternelle, à l'âge des Twins, peu ou prou. Là, Loulou passe en CM2, quand même. Du coup, je ne me suis pas démontée. J'ai joué l'argument du plus grand de l'école à fond.

La carotte à trois balles, on est d'accord. Et pourtant, ça a marché. Il s'est imaginé devenir le caïd respecté, celui qui dit, tel le Parrain, "bacio la mano" quand il daigne rejoindre la Cour au milieu de tous ses vassaux. Il m'a cru quand je lui ai dit que maintenant, ses instits ne le prendraient plus pour un bébé.

"Enfin, sauf si tu la ramènes trop, quand même."

Faudrait voir à ce qu'il ne s'emballe pas.

Il a souri. Ce matin, il était prêt, souriant, confiant. De mon côté, à l'instar de Louloutte, la rentrée a sans doute été plus difficile. Tandis que mon loulou s'évanouissait au milieu des cartables plus gros que les mioches, trop content de retrouver ses copains - qui seront eux aussi les caïds de la récré - je réalisais à quel point je détestaix chaque jour un peu plus cette école, certains de ses enseignantes, ces mères-la-morale qui savent, elles, parce qu'elles ont des enfants.

Alors que moi, non, visiblement, je ne suis pas au courant. Pourtant, je commence à connaître  les charmes cachés de l"école.

Ces convocations parce que ton cher ange a mordu "violemment" un camarade au sang, avec règlement de comptes de la maîtresse...

Ces petits mots pour signaler que vous avez négligemment oublié de préparer un pique-nique, alors même que vous n'en avez jamais eu l'information...

Ces messages culpabilisants qui vous rappellent que si aucun parent ne daigne se déplacer à la sortie scolaire, nos pauvres têtes blondes seront privées du pestacle si extraordinaire auquel elles devaient assister...

Ces appels angoissés parce que la chair de ta chair s'est blessée et qu'il faut venir d'urgence la chercher, sous le regard consterné de ton boss...

Ces coups de fil, une fois encore, intempestifs, parce que loulou d'amour a une fièvre à 40° mais-que-vous-comprenez-madame-on-ne-peut-rien-donner-aux-enfants-tant-pis-s'ils-crèvent-la-gueule-ouverte-et-que-le-doliprane/la ventoline/le remède miracle (rayez les mentions inutiles)-était-à-portée-de-main-la-règle, c'est-la règle (bon, ok, j'ai toujours plein de rancœur pour cette f... instit idiote qui regarde sans rien faire mon fils mourir d'une crise d'asthme devant elle - "mais il n'a pas son ordonnance sur lui, vous comprenez...") (oh ça y est, ma tension grimpe) (oh, je suis bonne pour l'acupuncteur) (ah non, c'est vrai, c'est pire) (bref).

Vous l'aurez compris, je suis de plus en plus mal à l'aise avec l'école et ses codes. Oui,je sais, le métier d'instituteur est difficile. Je me sens d'ailleurs incapable de l'exercer et je garde une admiration pour tous ces gens dévoués qui se cognent une classe de trente mômes plus ou moins déchaînés. Cela ne m'empêche pas de nourrir de plus en plus de perplexité quant à ce système qui veut mettre les parents à distance, tout en les chargeant dès que possible.

Je n'ai toujours pas compris l'intérêt de leur faire l'école le mercredi matin, qui les oblige à se lever tous les jours (et je vous assure que ça tient de l'exploit, au fil des semaines qui passent), juste pour finir 45 minutes plus tôt le soir, temps qu'ils passent à l'école, de toute façon, puisque leurs parents n'ont pas vu leur temps de travail ainsi remodelé. Je ne supporte plus ces leçons balancées de façon insidieuse, ces sourires coincés sous une bonne couche d'hypocrisie , ces étiquettes que l'on colle aux enfants en CP et qui restent marquées au fer rouge jusqu'au bout.

Il y a deux ans, j'ai ainsi  appris - de la bouche d'une de ses maîtresses - qu'à son arrivée dans l'école,en cours d'année, mon enfant avait été considéré comme "bizarre", "atypique." Depuis, il est considéré comme tel, et je vous assure que ce n'est pas dans ma tête.

Pour tout vous avouer, je suis plutôt fière que mon enfant soit "atypique". Il ne fera peut-être pas son mouton de base, dans la vie. Il faut juste qu'il s'affranchisse de cette image, au quotidien, pour avancer, Pour moi, aujourd'hui, il est juste devenu le nouveau caïd de la rentrée, le grand qui impressionne les CP...

Et qui me donne un peu de répit, avant le coup de vieux, l'an prochain, quand il franchira les portes du collège. Hum.

2 commentaires:

  1. Ah, l'école, ça ne m'a guère laissé de bons souvenirs non plus....Le " corps enseignant" n'a pas toujours beaucoup de cervelle.....
    Bon, bin t'as un grand de CM2 à la maison, ça va dépoter, j'ai idée.....bon courage !

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  2. Tel un veau, on aura bientôt besoin de fournir un certificat de traçabilité pour satisfaire ces braves gens qui se complaisent à étiqueter et juger depuis leur trône trop étroit. La France est embourbée dans ses principes et va bientôt réussir à voir passer sous son nez tous les cas "atypiques" qui auraient pu lui filer un coup de jeune.

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